« Quelle tristesse… ». Ce fut le commentaire de Michael von der Heide lorsque nous avions posté le décès de Patrick Juvet sur Instagram. Une semaine plus tard, c’est le même sentiment qui nous anime, lorsque l’on pense à la disparition de cet artiste emporté par une crise cardiaque dans son appartement de Barcelone. De pianiste au Conservatoire de Lausanne à vedette internationale, en passant par chanteur de variété française, Patrick Juvet a connu une carrière intemporelle. Nous nous souviendrons…
Patrick Juvet est né le 21 août 1950 à Montreux et a grandi à la Tour-de-Peilz dans le canton de Vaud. A l’âge de 6 ans, il entre au Conservatoire de Lausanne et apprend le piano. Il reçut d’ailleurs un premier prix.
7 mois difficiles à Paris avant le début du succès
En 1971, après une courte carrière de mannequin à Düsseldorf, Patrick, alors âgé de 21 ans, part pour Paris. Il y rencontre Florence Aboulker, qui sera la « femme de sa vie ». Elle le présente à Eddie Barclay. Mis sous pression par le producteur français suite à l’échec de « Romantiques pas morts », Patrick comprend qu’il doit ramener de l’argent. Il compose en 1972 « La Musica », qui se vendra à 300’000 exemplaires. La même année, Claude François lui demande de lui écrire une chanson. Patrick compose alors « Le Lundi au Soleil » qui sera l’énorme succès que l’on sait.
1973 : l’année de l’Eurovision
La sélection a lieu le 16 février 1973 à Berne. D’anciens représentants suisses prennent part à cette finale : Henri Dès et Peter, Sue & Marc. Patrick Juvet interprète l’une de ses compositions, « Je vais me marier, Marie », sur un texte de Pierre Delanoë. Le Vaudois remporte les sélections, ce qui lui permet de représenter la Suisse au Luxembourg. Le 7 avril 1973 a lieu la Finale. Patrick Juvet passe en 8ème position, juste après le groupe espagnol Mocedades, avec l’inoubliable « Eres tu ». En costume noir, pantalons patte d’eph et cravate blanche, Patrick Juvet « retourne la salle » selon Jean-Marc Richard, Mary Clapasson et Nicolas Tanner dans leur livre « La Saga Eurovision » aux éditions Favre. Toutefois, le Suisse obtient 79 points et ne décroche qu’une douzième place sur 17 participants.
« Chanteur à minettes »
A cette époque, on attend de Patrick qu’il soit un chanteur à minettes. Après l’Eurovision, c’est donc logiquement qu’il enchaîne les titres à succès comme « Sonia », « Toujours du cinéma » et, en 1974 « Rappelle-toi Minette », une chanson écrite d’abord pour Claude François. La même année, il co-écrit son album « Chrysalide » avec son choriste, qui n’est autre que Daniel Balavoine. Avec beaucoup d’élégance, Patrick laisse Daniel interpréter « Couleurs d’automne » sur son album.
« Où sont les femmes ? »
En 1975, Patrick Juvet rencontre un parolier hors du commun : Jean-Michel Jarre. De leur collaboration, nous retiendrons surtout « Où sont les femmes », le bâton de maréchal de l’artiste suisse. L’image de chanteur à minettes est oubliée. Titre résolument disco, il a connu un grand succès dans les pays francophones et a traversé les générations. On le retrouve notamment dans la bande annonce de « La vérité si je mens ! » en 1996 et 5 ans plus tard, dans celle de « 15 août » de Patrick Alessandrin.
America et Los Angeles
En 1978, Patrick part pour les États-Unis sur les conseils de la chanteuse Nicoletta et s’installe à Los Angeles. Il fréquente la jet set américaine et rencontre Henri Belolo et Jacques Morali, les producteurs des Village People. De leur collaboration naît « I love America » qui se classe dans plusieurs pays. Il sort l’année suivante l’album « Lady Night », monte sur la scène de l’Olympia et se produit à travers le monde. Il fréquente les stars, David Bowie, Freddie Mercury…
Fin des années disco
Le début des années 80 et la fin des années disco signe la baisse du succès de Patrick Juvet. Les albums « Still Alive » (1980) et « Rêves immoraux » (1982) ne rencontrent pas le succès espéré.
En 1985, à 35 ans, c’est un Patrick Juvet fauché qui revient vivre chez ses parents.
Solitudes
En 1991, il sortira son dernier album « Solitudes ». Dans le titre éponyme, co-écrit avec Françoise Hardy, Patrick nous chante « J’en ai en a marre de la solitude ». Les paroles de cette chanson sont une mise en lumière de la vie de Patrick :
Y a trop de désirs parasites
Trop de tentations
Qui me harcèlent et m’incitent
À pas lâcher mes démons
Y a trop de paumés satellites
Et d’invitations
À des plaisirs illicites
Moi j’ai jamais su dire non

Tristement, c’est cette solitude qui emporté Patrick Juvet. Seul dans son appartement de Barcelone, il n’y avait personne pour appeler une ambulance lorsqu’il a été terrassé par une crise cardiaque. Solitudes au pluriel, car elles furent nombreuses dans le parcours de cet homme fragile, brillant, créant le trouble, cherchant tout au long d’une vie un bonheur qui lui glissait entre les doigts.
Nous nous souviendrons…
Nous nous souviendrons de Patrick Juvet un dimanche soir, dans les années 2000, lors d’une soirée à Lausanne. Il était seul au bar. Nous avons été le saluer et avons discuté avec lui un moment. De quoi avons-nous parlé ? Sûrement de banalités. Nous avons ri avec lui. Nous nous rappelons de sa gentillesse, de son accessibilité, du respect qu’il montrait aux autres jeunes qui venaient le voir. Plus tard, quand nous sommes partis, nous avons été lui dire au revoir. Il nous a répondu : « J’espère vraiment que l’on se reverra ». C’était troublant, car imprégné d’une simplicité sincère et authentique. Et nous restons convaincu qu’il le pensait réellement.